Information sur la proposition de règlement visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables

 

Traduction en français du document INFORME SOBRE LA PROPUESTA DE REGLAMENTO PARA ACELERAR EL DESPLIEGUE DE LAS ENERGÍAS RENOVABLES ADOPTADA POR LA COMISIÓN EL 9 DE NOVIEMBRE DE 2022 (Abel La Calle Marcos, 21 de noviembre 2022)

INFORMATION SUR LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT VISANT À ACCÉLÉRER LE DÉPLOIEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES ADOPTÉE PAR LA COMMISSION LE 9 NOVEMBRE 2022

Abel La Calle Marcos[1]

21 novembre 2022

Contexte

1. Les 20 et 21 octobre 2022, un Conseil européen s'est tenu sur un certain nombre de questions, notamment le conflit en Ukraine, les infrastructures critiques, la crise énergétique et les mesures économiques, ainsi que les relations extérieures. Dans ses conclusions, il a demandé à la Commission de présenter "d'urgence" des décisions et des propositions sur certaines mesures économiques supplémentaires concernant la crise énergétique, notamment "l'accélération de la simplification des procédures d'autorisation afin d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables et des réseaux, par exemple avec des mesures d'urgence sur la base de l'article 122 du TFUE" [2].

2. Le 9 novembre 2022, la Commission a soumis au Conseil de l'Union européenne une proposition de règlement visant à "accélérer le déploiement des énergies renouvelables" [3] (la proposition).

3. La Commission a accompagné cette proposition d'un communiqué de presse axé sur trois idées à cet égard, à savoir qu'elle "renforce" la transition écologique, "s'éloigne" du gaz russe et "accélère" l'autorisation des énergies renouvelables[4]. Elle fait valoir que : a) le recours accru aux énergies renouvelables réduit la dépendance à l'égard du gaz russe et la facture énergétique ; b) elle "accélère" le plan REPowerEU qui prévoyait déjà de "simplifier les procédures" d'octroi de permis afin d'"accroître la vitesse et l'ampleur des investissements" dans les énergies renouvelables, dans le cadre du "Green Deal" européen ; et c) l'accélération est motivée par la détérioration du marché de l'énergie qui met "en péril la sécurité d'approvisionnement". 

Base juridique

4. La base juridique de la proposition est celle suggérée par le Conseil européen et reprise par la Commission, à savoir l'article 122, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

5. Il convient de rappeler, d'une part, que l'article 122 du TFUE se trouve au "Titre VIII Politique économique et monétaire" et plus précisément au "Chapitre 1 Politique économique". D'autre part, le paragraphe 1 de cet article établit la possibilité que le Conseil, sur proposition de la Commission, puisse "décider, dans un esprit de solidarité entre les Etats membres, sur les mesures appropriées à la situation économique, notamment si de graves difficultés surviennent dans l'approvisionnement de certains produits, en particulier dans le domaine de l'énergie".

6. Il ressort clairement du contexte du titre et du chapitre dans lesquels se trouve la disposition choisie comme base juridique et du contenu littéral de celle-ci que son champ d'application matériel est économique et concerne plus précisément les aides financières. Cela a été rappelé par la Cour de justice lorsqu'elle a précisé que "l'article 122 TFUE ne concerne que les aides financières accordées par l'Union et non par les États membres" [5]

7. Toutefois, la proposition vise principalement à déroger aux objectifs et obligations relatifs à la protection de la biodiversité[6], à la protection des eaux et de leurs écosystèmes[7], et à l'évaluation des incidences sur l'environnement[8], en bref, les dérogations dans le domaine de la protection de l'environnement.

8. Cela crée une incohérence entre la base juridique (économie) et le contenu des mesures concrètes proposées (environnement). Incohérence qui témoigne d'un manque de base juridique pour adopter de telles mesures.

9. L'article 122 du TFUE ne figure pas dans le "Titre II Dispositions communes", ce qui permettrait l'adoption de mesures au contenu différent, mais dans le "Titre VIII Politique économique et monétaire" et le "Chapitre 1 Politique économique", ce qui limite le contenu des mesures à adopter à ce domaine économique matériel. 

10. Le contenu de l'article 122, paragraphe 1, du TFUE n'autorise que l'adoption de dérogations de nature économique ; il n'autorise pas le législateur à établir des dérogations environnementales telles que celles prévues aux articles 2, 3 et 4 de la proposition. Il s'ensuit que l'article 122, paragraphe 1, du TFUE ne constitue pas une base juridique appropriée pour adopter les dérogations environnementales prévues par la proposition.

11. Cette interprétation est renforcée par le fait que la Commission fonde son choix de base juridique sur l'existence d'une "difficulté grave d'approvisionnement en énergie" qui a entraîné "non seulement une flambée des prix de l'énergie, mais a également mis en péril la sécurité d'approvisionnement", ce qui, selon l'institution, fait peser "des charges importantes sur les consommateurs et les entreprises" [9]. Or, la proposition ne prévoit pas d'aide financière aux États lésés par les "difficultés graves d'approvisionnement en énergie" décrites, mais des dérogations aux objectifs et obligations en matière d'environnement.

12. Nous considérons que les dérogations environnementales proposées ne peuvent raisonnablement pas être considérées comme relevant du concept de soutien financier aux États membres tel qu'énoncé à l'article 122 du TFUE.

Le principe de non-régression

13. Le traité sur l'Union européenne stipule que l'Union "œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur ... un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement ... et promeut ... la solidarité entre les générations" [10].

14. Dans le cadre de la poursuite des objectifs généraux en matière d'environnement du traité sur l'Union européenne, le traité sur le fonctionnement de l'Union de l'Union européenne énonce "le principe de précaution et le principe de l'action préventive en vue de la réparation des dommages environnementaux, par priorité à la source, ainsi que le principe du pollueur-payeur" [11].

15. Un niveau élevé de protection de l'environnement et de solidarité environnementale entre les générations ne peut être atteint sans le respect du principe de non-régression des objectifs et obligations en matière de protection de l'environnement. Toute régression dans la protection de l'environnement réduit ou empêche l'amélioration de la qualité de l'environnement, empêche toute action préventive dans la même mesure et peut empêcher les responsables de la détérioration de payer pour la restauration nécessaire.

16. Le fondement ultime du principe de non-régression dans la protection de l'environnement est l'obligation éthique d'une société de ne pas compromettre le bien-être et la subsistance des générations futures.

17. Par conséquent, le principe de non-régression doit être compris comme étant implicite dans l'article 3 du TUE.

18. C'est également ce principe de non-régression qui inspire et motive l'établissement de limites strictes aux exceptions relatives aux objectifs et obligations en matière d'environnement.

19. Dans la politique de l'eau, le principe de non-régression est implicite dans le principe et l'objectif de prévention de la détérioration[12]. Une régression du degré de protection des eaux et de leurs écosystèmes associés rendrait possible une nouvelle détérioration qui serait incompatible avec le principe de prévention susmentionné, de sorte que la prévention de la détérioration implique également de prévenir la réduction de la protection établie.

20. Ce principe de non-régression est également explicitement présent dans l'approche de précaution pour la mise en œuvre des objectifs environnementaux. La directive-cadre sur l'eau indique dans ses considérants que "la mise en œuvre de la présente directive permettra d'atteindre un niveau de protection des eaux au moins équivalent à celui prévu par certaines dispositions existantes qui doivent être abrogées lorsque les dispositions pertinentes de la présente directive seront pleinement mises en œuvre" [13]. Le texte indique également que "des mesures doivent être prises pour que la mise en œuvre des nouvelles dispositions, y compris les paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7, assure au moins le même niveau de protection que les normes communautaires existantes" [14].

21. Cette clause de non-régression dans le degré de protection des eaux et de leurs écosystèmes associés est juridiquement contraignante en raison de son interprétation littérale et de son contexte. L'utilisation de l'expression "des mesures doivent être prises pour assurer..." ne laisse aucun doute sur le caractère obligatoire de cette conduite, de même que l'expression "assure au minimum..." par rapport au résultat à atteindre.

22. La place de la clause de non-régression dans la directive détermine son caractère contraignant. En effet, en plus de figurer dans les considérants, elle est incluse dans le texte de la directive, plus précisément dans l'article central des obligations relatives à l'eau et aux écosystèmes associés, article consacré aux objectifs environnementaux. Il s'agit donc d'une obligation de résultat à réaliser par les États conformément aux traités fondateurs[15]

23. La clause de non-régression analysée ci-dessus empêche les États de réduire le degré de protection existant pour les eaux et leurs écosystèmes associés. La directive ne donne pas aux États membres une marge d'appréciation pour réduire le niveau de protection des normes communautaires, niveau qui a le caractère d'un minimum comme l'indique littéralement la directive et qui ne peut donc être qu’augmenté par les États membres.

24. La portée de cette clause de non-régression ne se limite pas à atteindre le niveau de protection prévu par les règles communautaires en vigueur au moment de l'entrée en vigueur de la directive-cadre sur l'eau. D'une part, l'application de cette clause couvre les situations où le niveau de protection prévu par les dérogations aux objectifs environnementaux[16] entre en conflit avec le niveau de protection prévu par les directives préexistantes. D'autre part, elle inclut nécessairement une méthode de travail, une dynamique non régressive de la poursuite des objectifs environnementaux pour 2015, sans préjudice des dérogations susmentionnées.

25. En résumé, l'extension des exceptions au respect des objectifs environnementaux, soit par de nouvelles extensions, soit par la dénaturation du concept de causes naturelles dans la détermination d'objectifs moins stricts, serait contraire à la clause de non-régression implicite de la protection dans les traités constitutifs[17] et expressément incluse dans le régime juridique des objectifs environnementaux de la politique de l'eau[18]

26. Il est clair que les mesures contenues dans la proposition représentent une extension des dérogations aux objectifs et obligations environnementaux établis et constituent donc une régression de l'état de protection environnementale créé avec la directive-cadre sur l'eau et donc contradictoire avec ses objectifs et son utilité.

27. En résumé, la régression environnementale viole l'objectif de parvenir à une durabilité fondée sur un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement et sur la promotion de la solidarité entre les générations, énoncé à l'article 3, paragraphe 3, du TUE et, par conséquent, la proposition, dans la mesure où elle entraîne une régression environnementale, viole ces objectifs de l'Union européenne.

Le principe d'intégration

28. Le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne stipule que "les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l'Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable" [19].

29. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne indique que "un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de sa qualité sont intégrés dans les politiques de l'Union et assurés conformément au principe du développement durable" [20].

30. La proposition n'est pas compatible avec le principe d'intégration de l'environnement dans les politiques sectorielles car elle n'intègre pas et ne garantit pas les exigences et les objectifs de protection de la biodiversité (directive 92/43 et directive 2009/147) et de l'eau et de ses écosystèmes (directive 2000/60) dans la politique énergétique. 

31. Le fait que les objectifs de la proposition incluent "l'augmentation de la vitesse et de l'ampleur des investissements" dans les énergies renouvelables ne devrait pas être perçu comme une justification pour considérer qu'il s'agit d'une politique environnementale et qu'il n'est pas nécessaire de garantir les valeurs environnementales qui, selon le principe d'intégration, devraient être respectées.

32. À cet égard, la Cour de justice a jugé que le simple fait qu'une mesure communautaire tienne compte des exigences environnementales ne signifie pas qu'elle fait donc partie de la politique environnementale communautaire[21].

33. Cette contradiction est d’autant plus évidente que la proposition n'a pas été démontré dans la proposition que son application a la capacité d'atteindre effectivement l'effet souhaité et que, d'autre part, aucune tentative n'a été faite pour identifier, quantifier et évaluer que les effets prétendument bénéfiques de la proposition peuvent l'emporter sur ses incidences sur la biodiversité et sur l'eau et ses écosystèmes. 

34. Les incertitudes résultant de l'absence d'étude d'impact environnemental réglementaire rendent également le principe de précaution[22] applicable en ce sens que des dispositions insuffisamment évaluées telles que la proposition ne devrait pas être adoptées.

La présomption de primauté de l'intérêt public

35. Le champ d'application de la présomption est limité à "la planification, la construction et l'exploitation de centrales et d'installations pour la production d'énergie à partir de sources renouvelables et leur raccordement au réseau, ainsi que le réseau et les équipements de stockage d’énergie eux-mêmes" [23] (ci-après la production d'énergie renouvelable).

36. La proposition stipule qu'en pesant les intérêts juridiques de chaque cas, "il y a présomption" que les plans ou projets de production d'énergie renouvelable "sont d'un intérêt public supérieur et contribuent à la santé et à la sécurité publiques". 

37. La formulation du précepte, qui dit "...il y a présomption que..." et ne prévoit pas la possibilité de contredire cette présomption dans la procédure, semble indiquer qu'il s'agit d'une présomption iuris et de iure, dans laquelle ce qui est présumé est considéré comme vrai dans tous les cas, sans discussion (il n'y a pas de place pour la preuve du contraire). Contrairement au cas des présomptions iuris tantum dans lesquelles la véracité de la présomption peut être contestée, une contestation peut avoir lieu (la preuve du contraire est admissible).

38. La notion d'intérêt public est couramment utilisée en droit de l'union européenne et dans certains cas, elle est utilisée pour justifier des exceptions à une règle générale spécifique, de manière similaire à celle des États membres.

39. La notion de "intérêt public supérieur" est utilisée dans les règles reflétées dans la proposition afin de justifier une exception à une règle générale. Mais l'inclusion de l'adjectif "prépondérant" dans la formulation introduit un changement important. 

40. Le substantif "intérêt" est déterminé par l'adjectif "public" qui, par opposition à "privé", exige une relation aux valeurs sociales générales et par l'adjectif "supérieur" qui intensifie cette exigence d'une relation aux valeurs sociales de rang supérieur. Par conséquent, cette intensification de l'exigence de valeurs sociales engagées doit être identifiée, décrite et évaluée de manière adéquate dans chaque cas.

40. Le substantif "intérêt" est déterminé par l'adjectif "public" qui, par opposition à "privé", exige une relation aux valeurs sociales générales et par l'adjectif "supérieur" qui intensifie cette exigence d'une relation aux valeurs sociales de rang supérieur. Par conséquent, cette intensification de l'exigence de valeurs sociales engagées doit être identifiée, décrite et évaluée de manière adéquate dans chaque cas.

-- Dans la protection du réseau Natura 2000

41. La proposition vise à établir que cette présomption se pose "notamment aux fins de l'article 6, paragraphe 4, et de l'article 16, paragraphe 1, point c), de la directive 92/43/CEE, de l'article 4, paragraphe 7, de la directive 2000/60/CE et de l'article 9, paragraphe 1, point a), de la directive 2009/147/CE".

42. La directive 92/43 établit, à l'article 6, paragraphes 3 et 4, une procédure d'examen des plans et des projets comportant les phases ou étapes suivantes : (1) consiste en une évaluation et est régie par l'article 6, paragraphe 3, première phrase ; (2) concerne la décision des autorités nationales compétentes et est régie par l'article 6, paragraphe 3, deuxième phrase ; et (3) est déclenchée si, malgré une évaluation négative, il est proposé de ne pas rejeter un plan ou un projet mais d'en poursuivre l'examen, est prévue à l'article 6, paragraphe 4.

43. L'application de la proposition aurait lieu à la troisième étape de la procédure décrite ci-dessus, lorsque, malgré une évaluation négative, les autorités compétentes sont disposées à poursuivre la procédure d'approbation. Dans ce cas, les plans ou projets d'énergie renouvelable seraient présumés présenter un "intérêt public majeur", expression qui semble assimiler la proposition à un "intérêt public majeur".

44. Mais l'application de la proposition pourrait également s'appliquer, au même stade, aux situations où, en plus de nécessiter une évaluation négative, le site concerné "abrite un type d'habitat naturel et/ou une espèce prioritaires". Dans ces cas, "seules les considérations relatives à certains biens peuvent être invoquées", y compris "la santé humaine et la sécurité publique", ce qui est également présumé dans la proposition.

45. Outre l'application à la procédure considérée des paragraphes 3 et 4 de la directive 92/43, la proposition envisage également l'application de l'article 16, paragraphe 1, sous c), de cette directive qui prévoit une dérogation aux obligations d'établir un système de protection stricte des espèces animales (article 12), des plantes (article 13), ou des mesures de collecte des espèces (article 14) ou , de capture ou , d’élimination des espèces sauvages (article 15).

46. Après avoir analysé les dérogations auxquelles s'applique la présomption d'intérêt public prépondérant, on peut conclure qu'elles touchent au cœur de la protection de la biodiversité et que la réduction de leur rigueur présente un risque important de détérioration du réseau Natura 2000, comme l'ont montré les études scientifiques récentes. 

47. Les recherches menées par la Station expérimentale des zones arides du Conseil national de la recherche espagnol[24], ont montré que dans les zones à hautes valeurs environnementales d'intérêt communautaire où se multiplient les demandes de centrales photovoltaïques, le seul contrôle efficace pour éviter la détérioration généralisée qui se produisait déjà dans la zone était les rapports scientifiques introduits dans la procédure précisément de l'article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43. Grâce à ces rapports, il a été possible de réduire de 70 à 90% l'impact des centrales photovoltaïques sur ces zones clés pour la conservation de la biodiversité. 

48. Sans ces rapports scientifiques, fournis pendant la période d'information du public, l'administration n'est pas en mesure de garantir à elle seule un faible impact environnemental des projets de centrales photovoltaïques qu'elle évalue. Les avis permettent de pallier les lacunes de la procédure. Un nombre important de centrales photovoltaïques qui n'ont pas fait l'objet d'avis d'experts ont été autorisées malgré leur impact considérable sur des zones d'intérêt pour la conservation de la biodiversité.

49. L'étude démontre que la période d'information du public permet de pallier le manque d'informations fiables et actualisées sur la répartition et le statut des espèces menacées. Ce manque d’informations se traduit par un zonage environnemental pour la mise en œuvre des énergies renouvelables mal conçu par les administrations. Ce dernier point est un problème général déjà identifié par la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, notamment sur l'état de conservation des espèces et des zones d'intérêt communautaire.

50. Les données fournies par l'étude montrent que, si la présomption d'intérêt public prépondérant devait être appliquée, des projets rejetés en raison de leur impact négatif pourraient être approuvés et créer ainsi une détérioration généralisée de la zone d'étude et l'extinction de certaines espèces dans cette zone, ce qui peut être extrapolé à d'autres zones actuellement dans une situation similaire. 

-- Sur la protection des eaux et de leurs écosystèmes

51. L'objectif ultime de la directive 2000/60 est de parvenir à un bon état de toutes les eaux de l'Union d'ici 201525 et, à cette fin, elle établit deux objectifs et obligations intrinsèquement liés : prévenir ou éviter la détérioration et améliorer ou restaurer les eaux de surface et les eaux souterraines[26].

52. L'obligation de prévenir ou d'éviter la détérioration de l'eau et de ses écosystèmes comporte deux dérogations, afin que les États membres n'enfreignent pas l'interdiction de détérioration lorsqu'une détérioration temporaire se produit en raison de causes naturelles ou exceptionnelles[27] ou lorsque l'action à l'origine de la détérioration répond à certaines exigences[28]. C'est dans ce dernier cas que la présomption de la proposition s'appliquerait. 

53. L'application de l'exemption pour les nouvelles actions génératrices de détérioration est conditionnée par le respect de certaines exigences. L'une d'entre elles est que les raisons de la détérioration des eaux soient d'un intérêt public majeur[29]. L'application de la proposition impliquerait que les plans et projets en matière d'énergies renouvelables sont, en tout état de cause, considérés comme présentant un intérêt public majeur. Cela implique que la dégradation causée par le nouveau développement ne constitue pas une infraction à l'interdiction de dégradation. 

-- Exemption anticipée de l'obligation de prouver l'intérêt public prépondérant

54. La présomption énoncée dans la proposition signifie que tous les plans et projets de production d'énergie renouvelable sont exemptés par anticipation de l'obligation de prouver qu'ils sont d'intérêt public prépondérant.

55. Cette dispense préalable permet à tout projet de production d'énergie renouvelable, même s'il ne répond qu'à un intérêt purement privé, de causer des dommages à un écosystème qui est simultanément protégé par la directive 2000/60, la directive 92/43 et la directive 2009/147. Cela pourrait se produire, par exemple, dans le cas d'un projet de barrage pour la production d'électricité sur un tronçon de rivière qui est à la fois une zone de protection spéciale pour les oiseaux (ZPS) et une zone spéciale de conservation (ZSC) et qui, en outre, abrite des espèces prioritaires qui seraient également affectées.

56. L'exemption prévue du critère de l'intérêt public supérieur pour les plans ou projets de production d'énergie renouvelable implique une hiérarchisation absolue ou indifférenciée d'une catégorie de plans et de projets qui rompt le principe du contrôle au cas par cas, qui est le seul à permettre une évaluation environnementale appropriée, comme le reconnaît la jurisprudence de la Cour de justice en ce qui concerne la directive sur l'évaluation des incidences sur l'environnement[30].

Conclusions

57. La proposition de règlement visant à "accélérer le déploiement des énergies renouvelables" soumise le 9 novembre 2022 par la Commission au Conseil de l'Union européenne n'est pas conforme au droit de l'Union pour au moins les raisons suivantes : 

  • Absence de base juridique car on ne peut raisonnablement comprendre que les dérogations environnementales proposées puissent être considérées comme relevant du concept d'assistance financière aux États membres tel qu'énoncé à l'article 122 du TFUE, choisi comme base de la proposition.
  • Elle viole le principe de non-régression environnementale implicite dans l'objectif de parvenir à un développement durable fondé sur un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement et sur la promotion de la solidarité entre les générations, énoncé à l'article 3, paragraphe 3, du TUE, car elle réduit le niveau de protection existant en étendant les dérogations.
  • Elle contredit le principe d'intégration prévu à l'article 11 du TFUE et à l'article 37 de la Charte des droits fondamentaux en empêchant que les exigences fondamentales de protection de l'environnement soient pleinement intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques énergétiques.
  • Elle transgresse les limites fixées par les principales directives relatives à la protection de la biodiversité et des écosystèmes (article 6, paragraphe 4, et article 16, paragraphe 1, point c), de la directive 92/43/CEE, article 4, paragraphe 7, de la directive 2000/60/CE et article 9, paragraphe 1, point a), de la directive 2009/147/CE) et le principe de surveillance au cas par cas, en entraînant des risques importants de détérioration qui n'ont pas été évalués et qui contredisent donc le principe de précaution de l'article 191, paragraphe 2, du TFUE.

NOTES

[1]Avocat et professeur de droit à l'Université d'Almeria.
[2] Conclusions adoptées par le Conseil européen lors de sa réunion des 20 et 21 octobre, EUCO 31/22, paragraphe 18.f.
[3] Commission européenne, Proposition au Conseil, Règlement établissant un cadre pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables, Bruxelles, 9.11.2022, COM(2022) 591 final 2022/0367 (NLE).
[4] Commission européenne, REPowerEU : La Commission renforce la transition verte et s'éloigne du gaz russe en accélérant l'autorisation des énergies renouvelables, Communiqué de presse, 9 novembre 2022, Bruxelles, IP-22-6657. [5] Arrêt de la Cour de justice du 27 novembre 2012, Pringle, C-370/12, EU:C:2012:756, point 118.
[6] Article 6.4, 16.1.c et 12.1 de la directive 92/43 et article 9.1.a et 5 de la directive 2009/147.
[7] Article 4.7 de la directive 2000/60.
[8] Article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/92, et annexe II.3.a et b, en liaison avec l'annexe II.13.a.
[9] COM(2022) 591 final, page 3.
[10] Article 3.3 du TUE.
[11] Article 191.2 du TFUE.
[12] Articles 1, 4.1.a.i et 4.1.b.i de la directive 2000/60.
[13] Considérant 51 de la directive 2000/60/CE.
[14] Article 4, paragraphe 9, de la directive 2000/60/CE.
[16] Articles 4, paragraphes 3 à 4, paragraphe 7, de la directive 2000/60/CE.
[17] Articles 3, paragraphe 3, du TUE et 191, paragraphe 2, du TFUE.
[18] Articles 1, 4.1.a.i, 4.1.b.i et 4.9 de la directive 2000/60/CE.
[19] Article 11 du TFUE.
[20] Article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
[21] Arrêt du 24 novembre 1993, Mondiet (C-405/92, EU:C:1993:906), points 17 à 28. Voir également les conclusions de l'avocat général Gulman dans la même affaire (EU:C:1993:822) points 12 à 17. Les mêmes principes ont également été confirmés dans la jurisprudence ultérieure de la Cour de justice, voir par exemple l'affaire C-336/00 Huber (EU:C:2002:509), point 33.
[22] Artícle 191.2 du TFUE.
[23] Artícle 2.1 de la proposition.
[24] Valera, F.; Bolonio, L.; La Calle, A.; Moreno, E. “Deployment of Solar Energy at the Expense of Conservation Sensitive Areas Precludes its Classification as an Environmentally Sustainable Activity.” Preprints 2022, 2022110405. https://www.preprints.org/manuscript/202211.0405/v1
[25] Articles 1 et 4.1 de la directive 2000/60.
[26] Article 4.1 de la directive 2000/60.
[27] Article 4.6 de la directive 2000/60.
[28] Article 4.7 de la directive 2000/60.
[29] Article 4.7.c de la directive 2000/60.
[30] Arrêts de la Cour de justice du 2 mai 1996, Commission contre Belgique, C-133/94, EU:C:1996:181 ; du 24 octobre 1996, Kraaijeveld et autres, C-72/95, EU:C:1996:404 ; du 8 septembre 2005, Commission contre Espagne, C-121/03, EU:C:2005:512.

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