Barrages et hydroélectricité en Bosnie Herzégovine

Dans le discours dominant et dans l’opinion publique, l’hydroélectricité doit être développée en vue de la transition énergétique et seuls quelques très grands barrages et centrales hydroélectriques en Amsud, Afrique et Chine ont des impacts environnementaux très négatifs. L’European Water Movement remet en question ces affirmations à travers des exemples pris en France, en Espagne et dans la région des Balkans.

Les Balkans sont la région d’Europe où il y a actuellement le plus de projets de barrages et centrales hydroélectriques en Europe.

copyright Save the blue heart of Europe

La carte ci-dessus montre les barrages et centrales hydroélectriques existants (en noir), en construction (en jaune) et en projet (en rouge). Cette carte est extraite d’une étude effectuée par Euronatur et River Watch, deux ONG allemande et autrichienne, en partenariat avec des ONG des Balkans.

Ces ONG ont mené une campagne intitulée « Sauvons le coeur bleu de l’Europe » qui avait pour objectifs d’améliorer les connaissances sur la biodiversité exceptionnelle des rivières des Balkans, d’informer sur les menaces auxquelles font face ces rivières et d’arrêter des projets de barrages et centrales hydroélectriques sur ces rivières.

Ces ONG ont dénombré 1640 projets de barrages et centrales hydroélectriques en 2015 dont 630 sont de taille grande ou moyenne et 817 sont sur des zones protégées (parcs nationaux, zones Natura 2000, zones humides Ramsar…). De plus, elles ont constatées de nombreuses violations des directives européennes et des conventions internationales, alors que certains de ces projets sont financés par la BERD et la Banque Mondiale.

Les rivières des Balkans sont un hotspot de biodiversité. Elles fournissent des habitats pour une multitude d’espèces animales et végétales dont beaucoup sont endémiques, comme le huchon, saumon du Danube. Les barrages et centrales hydroélectriques planifiés vont mettre en danger 70 à 75% des espèces répertoriées, sans compter les nombreuses espèces non répertoriées.

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La carte ci-dessus montre en jaune les rivières où le huchon est présent et en rouge les barrages et centrales hydroélectriques planifiés sur ces mêmes rivières. Il apparaît clairement que le huchon, espèce migratoire, disparaîtra si ces barrages et centrales hydroélectriques sont construits.

La situation est particulièrement dramatique en Bosnie Herzégovine.

La République de Bosnie-Herzégovine se compose de deux entités : la République de Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Ces deux entités ont un haut degré d'autonomie. La République de Srpska a un système centralisé ; la Fédération de Bosnie-Herzégovine a un système fédéral basé sur 10 cantons. Ce cadre institutionnel complexe et des divisions ethniques rendent difficile la mise en œuvre de politiques environnementales et énergétiques cohérentes à l'échelle du pays. Il n'y a vraiment pas de gestion par bassin hydrographique. Un projet de barrage ou de centrale hydroélectrique sur un cours d'eau est décidé par l'administration (entité, canton, commune) après une consultation parfois entachée de corruption et où les communautés sont le plus souvent absentes.

Ce contexte politique particulier donne lieu à des études d'impact environnemental et social systématiquement bâclées. Les entreprises chinoises, russes et européennes se livrent une concurrence féroce pour l'attribution des concessions hydroélectriques.

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La carte ci-dessus montre les barrages et centrales hydroélectriques planifiés en rouge sur les rivières de Bosnie Herzégovine. Il s’agit majoritairement d'ouvrages de petite taille.

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Les quelques photos ci-dessous montrent ce qui serait détruit par ces ouvrages mais aussi par les routes et les lignes THT: non seulement les rivières mais aussi les forêts alluviales et les zones humides environnantes.

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Il y a bien entendu des luttes contre certains de ces projets de barrages et centrales hydroélectriques :

  • 2 projets d'ouvrages sur la rivière Vrbas
    En 2004, un collectif d'associations s'est créé contre ces 2 projets. En 2015, suite aux pressions sur l'entité serbe et la municipalité de Banja Luka, la décision politique a été prise d'abandonner ces projets. En 2016, le consortium qui avait décroché la concession réclame 51 millions € de compensation devant un tribunal international d’arbitrage.
  • Nombreux projets de petits ouvrages sur la rivière Sana
    Une municipalité souhaitant développer l’écotourisme autour de la rivière a porté plainte sans succès contre ces projets auprès de la République de Srpska. Une entreprise autrichienne a commencé la construction de ces ouvrages.
  • 5 projets de petits ouvrages dans le parc naturel de Sutjeska
    2 de ces projets sont situés dans la seconde forêt primaire d’Europe. Une pétition demandant l'arrêt de ces projets a été présentée en 2016 devant le parlement de la République de Srpska
  • 2 projets de centrales hydroélectriques sur la rivière Drina
    Plusieurs ONG de Bosnie-Herzégovine et du Monténégro ont déposé deux plaintes en 2018 devant le tribunal de district de Banja Luka contre les permis environnementaux pour ces deux centrales hydroélectriques sur la rivière Drina en Bosnie-Herzégovine près de la frontière avec le Monténégro.
  • Un projet de barrage et centrale hydroélectrique sur la rivière Kruščica
    Les femmes du village de montagne de Kruščica et d'autres opposants ont installé leur campement sur la rive gauche de la rivière afin d'empêcher le démarrage de la construction du barrage.

Femmes de Kruščica 

Selon la Coalition pour la protection des rivières de Bosnie Herzégovine, créée en 2016, 12 ouvrages sont actuellement en construction par des entreprises bosniaques, autrichiennes et slovènes. il y a 300 projets de barrages et centrales hydroélectriques en cours mais plusieurs projets ont été abandonnés provisoirement à cause d'un financement insuffisant.

En juin 2018, les représentants de la campagne "Save the blue heart of Europe" ont remis une pétition endossée au niveau mondial par plus de 120 000 personnes, appelant les banques internationales de développement (BERD, BEI, Banque mondiale...) à freiner leur soutien financier aux projets hydroélectriques dans les Balkans.