Réunion de fondation du Conseil berlinois de l’eau

L’ouverture rassemble un large spectre social

Le 28 novembre, ce sont plus de 40 personnes, pour la plupart représentant(e)s de comités d’action citoyens et d’organisations, qui ont ouvert les travaux du Conseil berlinois (nom provisoire) de l’eau avec le Berliner « Wassertisch » (Table berlinoise sur l’eau) au cours d’une réunion constitutive. Les premières prises de position ont été présentées entre autres par les représentants de la Table berlinoise sur l’énergie, l’alliance pour une gestion publique de l’eau (AöW), l’association allemande des utilisateurs d’espaces (VDGN), l’alliance allemande pour l’environnement et la protection de la nature (BUND), par l’Ökowerk de Berlin et le comité d’action citoyen Coopérative d’en bas. D’autres comités d’action citoyens et organisations s’associeront aux séances à venir.

En 1999, les Berliner Wasserbetriebe (entreprise berlinoise de distribution de l’eau) ont été cédés à 49,9 % pour 1,68 milliard d’euros à Veolia et RWE par le biais d’une holding. Cette transaction représenta la plus grande privatisation partielle d’un service communal de l’eau au sein de l’Union européenne. Les conditions de ce « partenariat public-privé » (ppp) étaient secrètes et ne furent finalement rendues publiques par le Sénat que sous la pression du référendum exigé par le « Wassertisch ». En octobre 2012, le Land de Berlin avait déjà racheté la participation du groupe rwe ; le rachat de celle de Veolia intervint quelques semaines plus tard. Le « Wasserstisch », non content de critiquer le prix de rachat (au total, environ 1,2 milliard d’euros), exige en outre une restructuration des Berliner Wasserbetriebe, dont l’organisation en holding n’a rien perdu de sa complexité.

Après la remunicipalisation, la démocratisation !

Ce prix exorbitant de rachat des participations privées est loin de représenter la dernière étape avant la remunicipalisation. Un certain nombre de questions environnementales et sociales sont restées en suspens. Au cours des 14 années qui ont suivi la privatisation de 1999, l’activité des Berliner Wasserbetriebe était subordonnée à la réalisation de bénéfices. Bien que le Land soit resté l’actionnaire majoritaire des Berliner Wasserbetriebe, la direction technique et commerciale était complètement entre les mains du privé. Le prix de l’eau a augmenté de plus de 35 %. Les parts de bénéfices qu’il était prévu de consacrer à l’investissement ont été versées au privé sous forme de bénéfices. Le personnel des sociétés privées a été réduit d’un tiers. Ces dérapages successifs amènent le « Wassertisch » à conclure que seul le fait que les citoyen(ne)s seront désormais associé(e)s à la direction des entreprises de l’eau pourra garantir que l’entreprise remunicipalisée s’oriente effectivement en fonction de critères sociaux, écologiques et démocratiques.

Pour que les acteurs puissent en approfondir la compréhension et en modéliser l’orientation, le « Wassertisch » a présenté en septembre 2013 un projet de « Charte berlinoise de l’eau ». Cette charte de l’eau a pour ligne directrice une gestion transparente, à savoir pas d’instances secrètes, des orientations socialement équitables et écologiquement durables et une démocratie directe. De plus, cette charte doit exclure tout retour à la privatisation ou toute privatisation partielle. L’essentiel, c’est la participation démocratique des habitants de Berlin à l’entreprise, dans la mesure où l’expérience a prouvé — et continue à prouver jour après jour — que le contrôle par le seul parlement ne suffit pas. Des propositions pourraient déjà être discutées lors de cette réunion constitutive pour continuer à élaborer le Conseil berlinois de l’eau.

A l’avenir, il faudrait ne pas se limiter à donner à la population berlinoise les seuls documents pertinents ; celle-ci doit être associée également aux décisions de l’entreprise. L’exemple de Paris propose une option d’avenir pour Berlin. Le 1er janvier 2010, après 25 ans de gestion privée de l’eau, la capitale française a ramené dans le giron de la ville l’approvisionnement en eau. Une entreprise publique, « Eau de Paris », a été fondée. A côté du conseil d’administration de l’entreprise, qui se répartit en 13 conseillers municipaux et 5 représentants des Parisiens avec voix délibérative ainsi que 2 personnalités qualifiées avec voix consultative, il y a un organe de contrôle participatif avec fonction consultative, l’« Observatoire parisien de l’eau », qui rassemble des représentants des usagers, des locataires, des associations de défense de l’environnement ainsi que des scientifiques et experts indépendants. Après les expériences catastrophiques de privatisation partielle à Berlin, le « Wassertisch » préconise pour la capitale allemande une commission de participation, qui doit prendre une part directe à la gestion et au contrôle des fonctions plutôt que de se contenter d’un simple rôle consultatif. Le Conseil berlinois de l’eau peut être regardé comme un prolongement du modèle parisien.

Après la remunicipalisation, c’est la démocratisation qui doit arriver, cela vaut aussi pour Berlin, car les institutions existantes de la démocratie représentative ne sont plus en mesure de régler les problèmes que représentent une collectivité sapée par une économie débridée et l’influence de plus en plus grande des lobbyistes. Participation des citoyens et démocratie directe sont la rançon du succès du référendum berlinois sur l’eau. La remunicipalisation des entreprises berlinoises de l’eau nous offre maintenant une occasion unique de concevoir un modèle de participation directe à une entreprise publique sous la forme d’un « Conseil de l’eau », qui peut être une étape décisive sur la voie de la reconstruction du primat du politique et un modèle pour d’autres domaines de la prévoyance. Le Conseil berlinois de l’eau doit avoir le droit à l’information, à la collaboration et à la codécision sur les buts de l’entreprise et les bases de sa gestion. Quelle est la composition du conseil de l’eau, qui doit en devenir membre et selon quelles modalités, voilà des questions décisives pour le débat social, qui restera à régler lors des séances à venir.

Dans les prochains mois, se tiendront des séances à thème, où il sera question entre autres de la forme juridique future et de la structure organisationnelle des Berliner Wasserbetriebe, de l’intégration des citoyens et des travailleurs ainsi que des aspects sociaux et environnementaux. Après les déclarations couronnées de succès de la commission d’enquête « Klaerwerk » du « Wassertisch », qui a fourni d’importantes contributions à l’analyse des scandaleux contrats secrets, se constitue aujourd’hui, à Berlin, avec le Conseil de l’eau, un deuxième instrument de démocratie directe, qui prendra de nouvelles mesures pour une démocratie renouvelée et fonctionnelle.

Le texte est une traduction en français d’un article de Ulrike von Wiesenau dans le Neue Rheinische Zeitung

Ulrike von Wiesenau est porte-parole du « Wassertisch » et a été associée dans une large mesure au projet de campagne pour le référendum berlinois sur l’eau, qui a été un franc succès. L’experte en démocratie conseille des organisations et des comités d’action citoyens du mouvement pour la démocratie directe par son travail de relations publiques et ses actions politiques.

Berliner Wasserrat