Attac France dénonce une atteinte à la démocratie locale et à la remunicipalisation de l’eau par le gouvernement espagnol

Par le biais du projet de budget de l’année prochaine qui est actuellement discuté au parlement, le gouvernement espagnol tente d’imposer aux municipalités une barrière supplémentaire à la remunicipalisation de leurs services d’eau et d’assainissement. Cette tentative s'inscrit dans la stratégie de reconquête des services locaux par les entreprises privées et les politiciens qui les soutiennent partout en Europe.

Les municipalités dirigées par le parti populaire en déléguant leurs services publics à des entreprises privées (essentiellement Agbar, filiale de Suez, et Aqualia pour les services de l’eau et de l’assainissement) sous la forme de concessions, ont fait de l’Espagne un des pays européens où la privatisation des services locaux est la plus avancée. Mais les dernières élections municipales qui ont vu plusieurs villes gagnées par des coalitions de gauche soutenues par les mouvements sociaux issus du 15M, ainsi que les nombreuses affaires de corruption dans l’attribution de concessions impliquant des maires du parti populaire, sont en train de changer la donne. Plusieurs municipalités comme Valladolid et Terrassa ont choisi de faire gérer leur service d’eau par un opérateur public et donc de ne pas renouveler le contrat de concession qui les liait à une entreprise privée ; et d’autres comme la métropole de Barcelone se préparent à le faire. De plus, il y a souvent la volonté politique de rendre la gouvernance du nouvel opérateur public plus démocratique et ouverte à la société civile, afin de contrôler que cet opérateur public agit bien en fonction de l’intérêt général et non pas dans une logique de profit.

Pour contrer cette vague de remunicipalisation, le gouvernement espagnol (c’est à dire le parti populaire allié au secteur privé) a introduit une clause (numéro 27) dans le projet de budget qui interdit le transfert dans le nouvel opérateur public du personnel travaillant auparavant pour l’opérateur privé. La reprise du personnel qualifié de l’ancien opérateur privé garantit une bonne continuité de service lors du passage en gestion publique. En France, les grandes régies publiques récemment crées ont toutes repris du personnel de l’ancien délégataire privé. Interdire la reprise du personnel rend la remunicipalisation plus difficile et plus risquée, tout en étant une attaque directe contre la démocratie locale et le droit des travailleurs.

Cette manœuvre du gouvernement espagnol est la dernière et la plus visible des actions que mènent depuis plusieurs années, partout en Europe, les entreprises privées contre la remunicipalisation et pour reprendre la marche en avant de la privatisation des services de l’eau et de l’assainissement, avec la complicité de politiciens au niveau local, national et européen. La privatisation des services avance désormais sous le masque d’un partenariat public-privé dans lequel le partenaire privé apporte soit-disant son expertise technique et sa capacité à investir, dans un contexte d’endettement des collectivité locales et de l’État, couplé au coût toujours plus élevé du respect des normes sanitaires et environnementales. En France, la transposition de la directive sur les concessions, la loi NOTRe transférant les compétence eau et assainissement aux intercommunalités et la création de la SEMOP (un PPP institutionnel adopté à l’unanimité par les députés et sénateurs et dont le fonctionnement va se révéler particulièrement opaque) sont un cadre favorable à cette privatisation qui ne dit plus son nom.

Dénoncer la manœuvre du gouvernement espagnol, c’est défendre les services publics non seulement en Espagne mais aussi en France et ailleurs en Europe. C’est pour cela que Attac France exprime sa solidarité avec Red Agua Publica et appelle les députés espagnols à rejeter la clause numéro 27.

Communiqué de presse d'Attac France