Les moyens indirects de privatisation des services d’eau en Grèce

Le lundi 22 mai 2017, a été publiée dans le Journal Officiel, une décision ministérielle très attendue intitulée: Approbation des règles générales sur l'établissement des coûts et la tarification des services d'eau. Méthodes et procédures pour le recouvrement des coûts dans les services d'eau.

La décision approuve, avec quelques petites modifications, une proposition mise en consultation publique en août 2016, contre laquelle des critiques et des réserves ont été publiquement exprimées par SaveGreekWater, ainsi que par plusieurs autres parties intéressées.

Cette décision (n° 135275, GG Β1751) oblige désormais les usagers des services d'eau à payer pour le recouvrement des coûts desdits services. L'eau est devenue une marchandise; les opérateurs fournissant les services d’eau ne se différencient plus des entreprises privées à la recherche de profits et d’accumulation du capital, bien que les services d’eau soient considérés comme des services publics.

Plus précisément: la tarification des services d'eau, contrairement aux dispositions de la décision 1906/2014 du Conseil d'État, visera à couvrir tous les coûts des opérateurs fournissant ces services (article 9.1). La tarification comprend les éléments suivants:

Coût financier (article 4 et annexe Ι)

Cela inclut (i) le coût du capital investi, calculé en fonction de l'amortissement annuel des actifs de l’opérateur, (ii) le coût d'utilisation basé sur les bénéfices que le capital investi produirait s'il était utilisé à d'autres fins, (iii) le coût d'exploitation résultant des dépenses d'exploitation ordinaires et extraordinaires, (iv) le coût de la maintenance, et (v) le coût de gestion qui comprend des frais divers. Si l'eau doit être transportée vers une zone aride, les usagers paieront pour ce coût supplémentaire, à moins qu'une subvention de l'État ne soit disponible. Par conséquent, les usagers des services d'eau en Grèce vont non seulement payer, une fois de plus, les infrastructures des services d'eau, déjà payées par l’impôt sur plusieurs générations y compris la génération actuelle (cela s'est produit plusieurs fois dans le passé) mais aussi payer à l’opérateur ce qu’il réclamera (rétrospectivement) pour compenser la perte de profit pour avoir utilisé son capital pour fournir de l'eau au lieu d'autres activités «rentables». Ces activités peuvent correspondre à n’importe quoi comme le prouve la contribution de EYDAP (Société des Eaux d'Athènes) à l'augmentation du capital de l'Attica Bank de l'année dernière. EYDAP a ainsi perdu 17 millions d’euros sur les 20 millions versés pour renflouer la banque. De plus, le coût financier inclut un «rendement raisonnable» des fonds privés investis dans EYDAP et/ou EYATh (Société des Eaux de Thessalonique). Pour la onzième fois, le gouvernement grec considère qu’une entreprise privée doit avoir un bénéfice garanti par l'État.

Coût environnemental (article 5 et annexe ΙΙ)

Ce coût existera, entre autres, dans le cas d’un mauvais état chimique des eaux souterraines d’origine anthropique (sic). Tout le monde sait que le gouvernement grec hésite à faire payer les entreprises polluantes. Mais quelqu'un doit payer, et les usagers des services d'eau sont des cibles faciles.

Coût des ressources (article 6 et annexe ΙΙΙ)

Ce coût résulte d’une mauvaise gestion des ressources en eau. Aucune pénalité n’est prévue pour les responsables de cette mauvaise gestion. Le coût environnemental et le coût des ressources (article 7) constituent les redevances environnementales: celles-ci doivent être écrites «clairement et explicitement» sur la facture (tout comme les redevances payées par les usagers des services de l'énergie et qui finissent par devenir des subventions pour les entreprises privées). Ces redevances seront transférées, presque entièrement, à l'infâme Fonds vert dans le but d'être utilisées, selon des termes assez généraux, pour des actions liées à l'eau. Les groupes vulnérables peuvent être exclus du paiement des redevances environnementales, de même que les entités qui «par une gestion correcte des ressources en eau contribuent au maintien et/ou à l'amélioration de leur état»; il s'agit notamment des entreprises dans le domaine de la réutilisation des déchets (il y a un nombre assez réduit de ces entreprises en Grèce, toutes appartenant directement ou indirectement aux 0,1% les plus riches).

L’article 9, intitulé «Procédures générales de tarification», prévoit une augmentation des factures si la réduction des coûts ne suffit pas à assurer le recouvrement des coûts. Afin de convaincre les usagers que de telles augmentations ne seront pas excessives, il est indiqué que ces augmentations ne peuvent pas être supérieures à l'augmentation du PIB, ou ne pas dépasser le double de l'augmentation du PIB dans certains cas. Comme si les fluctuations du PIB avaient quelque chose à voir avec chaque revenu personnel!

L’article 14, intitulé «Règles générales et directives pour l'amélioration des services de l'eau», énumère en réalité les conditions dans lesquelles le prix de l’eau peut augmenter.

Conformément à ce qui précède, cette décision prouve que les résultats négatifs de la privatisation des services d'eau peuvent être atteints non seulement par la vente d’une partie de l’opérateur à des investisseurs privés, mais aussi par un État qui a depuis longtemps cessé de s'occuper des intérêts de son peuple préférant plutôt protéger et augmenter les bénéfices d'une petite minorité.

Enfin, la récente loi 4472/2017 transfère, une fois de plus, les actifs de l'État grec (parmi lesquels les parts de EYDAP et EYATh) au nouveau Super fonds. Cette loi est une étape de plus d’une politique qui s’est révélée désastreuse pour la grande majorité des habitants de ce pays en ciblant en général leur bien-être économique et social et en particulier leur droit à l'eau.

Traduction en français d'un article de SaveGreekWater