Survol de la campagne contre la privatisation de l'eau en Irlande

Dans son livre Earth Democracy paru en 2005, le Dr Vandana Shiva dit: « Sans démocratie de l'eau, il ne peut y avoir de démocratie vivante ». Ce sentiment se reflète dans les luttes pour l'eau partout sur la planète. Là où les citoyens luttent contre la privatisation de l'eau, contre la pauvreté en eau et pour la justice en matière d'eau, un thème commun émerge, la crise de la démocratie elle-même. L'Irlande n'est pas différente.

Contexte général

En 1985, le gouvernement introduit un impôt local sur les services domestiques. Il s'agit notamment de redevances pour les ordures ménagères et sur l'eau domestique. Les tentatives des autorités locales de réintroduire des redevances sur l’eau domestique se heurtent à une vive opposition. Il y a des manifestations publiques, une campagne de non-paiement et beaucoup de ceux qui refusent de payer sont emprisonnés. Dans certaines régions du pays, des groupes de citoyens s’organisent pour rétablir l'approvisionnement en eau lorsque celui-ci est interrompu pour non-paiement. L'opposition se poursuit et, en 1996, les redevances sur l'eau domestique sont entièrement supprimées. Il est décidé que le financement des services d'eau doit provenir de la taxation générale, 50 millions £ devant être retirés des taxes automobiles pour les services d'eau.

Au cours des années suivantes, les investissements dans les services d'eau sont minimes et, entre 2008 et 2013, le gouvernement irlandais réduit de 65 % le financement dans le domaine de l'eau.

Avant la crise financière, l'Irlande comptait 34 autorités locales (municipalités) chargées de fournir des services d'eau. En 2009, le gouvernement Fianna Fáil / Parti Vert de l'époque annonce que les redevances sur l'eau seront rétablies. Il affirme que les infrastructure hydrauliques ont grand besoin d'être modernisées et qu'il faut recommencer à facturer l'eau domestique. Il fait valoir que les redevances sur l’eau domestique financeront les investissements et encourageront les économies d'eau.

En 2010, le ministre de l'Environnement de l'époque demande la tenue d'un référendum afin que la Constitution puisse être modifiée pour mieux protéger contre la privatisation des services d'eau. Le ministère des Communications, de l'Énergie et des Ressources naturelles rejette cette demande. Le ministère fait remarquer que les deux tiers de tous les députés élus se sont officiellement opposés aux redevances sur l'eau. Cette même année, les documents du Cabinet remis à la radio d'État, la RTÉ, montrent que le gouvernement est en faveur d'une tarification de l'eau au compteur de 330 à 500 euros et que le propriétaire de l’habitation paiera également le coût du compteur d'eau. Il est décidé qu'une "agence nationale de l'eau" sera créée et que cette nouvelle agence gardera le minimum de personnel et externalisera les fonctions nécessitant le plus de main-d'œuvre. C'était deux mois avant que le gouvernement ne demande officiellement une aide financière à l'UE et au FMI.

La Troïka débarque

Dans le cadre du plan de sauvetage UE-FMI de 85 milliards d'euros, le gouvernement s'engage à introduire des redevances sur l'eau d'ici 2013 et à transférer la responsabilité des infrastructures hydrauliques des autorités locales vers une nouvelle compagnie nationale des eaux. Le gouvernement reçoit l'ordre de vendre les actifs de l'État comme condition au renflouement par la Troïka. Les infrastructures hydrauliques de l'Irlande étant entre les mains de 34 organismes distincts, le gouvernement s'engage à créer une compagnie nationale des eaux, à introduire des redevances sur l'eau domestique et à parvenir à terme à un recouvrement intégral des coûts pour la fourniture des services d'eau. Si l'Irlande avait eu à l'époque une compagnie nationale des eaux, le gouvernement aurait été contraint de la vendre.

Les travaux de création de la compagnie nationale des eaux, Irish Water, commencent. Le ministre qui supervise le projet, Fergus O'Dowd, devait déclarer plus tard devant le Dáil (parlement irlandais) qu'il croyait qu'il y avait des "forces à l'œuvre" avec des "agendas" pour privatiser Irish Water et qu'il était "profondément préoccupé par ces autres agendas, peut-être européens... Je ne sais pas d'où ils viennent..." et qu’il y avait "de véritables raisons d'être préoccupés par la possibilité que l'eau en Irlande soit privatisée".

La vente des biens de l'État, la réduction de la rémunération des fonctionnaires, la perte de dizaines de milliers d'emplois, l'émigration de 400 000 personnes, la dégradation des services publics et un sentiment général d'apathie s’abattent sur le pays. Des impôts supplémentaires sont imposés à la population, y compris un impôt foncier et la "redevance des ménages". C’est la goutte qui fait déborder le vase, et en novembre 2011, la campagne contre les taxes sur l'eau et l'habitat (CAHWT) est lancée. La CAHWT devient le mouvement de protestation le plus important d'Irlande et s’organise dans chaque ville et village du pays.

Simultanément, «Ballyhea Says No to The Bank Bail-Out» (Ballyhea Dit Non au Renflouement Bancaire, Ballyhea est une ville du comté de York) est créé. Le message de la campagne "Ballyhea Says No" est simple : l'Irlande n'aurait jamais dû se retrouver avec 42 % de la dette bancaire européenne. Le groupe Ballyhea a marché chaque semaine pendant six ans et est devenu une "plaque tournante" pour les militants. Il marche encore une fois par mois et est le carrefour de différentes campagnes, dont plusieurs ont adopté le titre "Says No".

La CAHWT a été un échec, surtout parce que les partis politiques l'ont utilisé pour leurs propres agendas. En détournant l’attention des redevances et de la privatisation de l'eau, il était dès lors difficile de faire passer le message que l'eau était menacée en Irlande. De nombreux militants ont perdu leurs illusions, mais les liens et les amitiés qui se sont tissés au cours de cette période existent encore.

Le 26 janvier 2013, lors de la 100e marche de la campagne "Ballyhea Says No", un groupe anti-austérité appelé "Ballyphehane/South Parish Says No" décide de travailler sur l'eau. Il organise des stands dans les rues, recueille des signatures pour l'Initiative Citoyenne Européenne Right2Water, produit des brochures d'information, lance une chaîne téléphonique rudimentaire, organise des rassemblements dans la rue pour sensibiliser les gens et organise de petites manifestations locales. Le message principal est le suivant: les compteurs d'eau sont la porte d'entrée à la privatisation de l'eau; si un compteur d'eau ne peut être installé, une facture ne peut être émise.

Lentement, la conscience grandit.

Deux événements indépendants ont lieu en avril 2014. Un député, nommé Bríd Smith, organise une conférence à Dublin. "Our Water is Not for Sale" rassemble des militants opposés aux redevances sur l'eau domestique, les syndicats 'Unite' et 'Mandate', des défenseurs de l'environnement et de la lutte contre l'austérité en Irlande, en Amérique du Sud et en Europe pour discuter des politiques de l'eau, de la privatisation, du changement climatique et autres questions environnementales. L'accent est également mis sur l'élaboration de stratégies de résistance.

Pendant ce temps, Irish Water pénètre dans Ashbrook Heights, un lotissement ouvrier de Cork, pour installer des compteurs d'eau. Les habitants de Ashbrook Heights avaient été sollicités par le groupe 'Ballyphehane Says No' et l'une d’entre eux, Suzanne O'Flynn, contacte le groupe pour obtenir de l'aide afin d’arrêter l'installation des compteurs. La manifestation contre les compteurs d'eau fait face à une présence policière violente. Il y a des arrestations et des menaces, mais les habitants et les militants tiennent bon et après quelques semaines, Irish Water quitte le lotissement, sans qu’aucun compteur ne soit installé. 

Vu de l’extérieur, la protestation contre les compteurs d'eau semble spontanée, mais il aura fallu deux ans de sensibilisation pour en arriver au point où quelqu'un ose dire non. Le réseau mis en place par la CAHWT et le groupe "Ballyhea Says No" est rapidement passé à l'action grâce à un appui provenant de partout dans le pays. La manifestation sur les compteurs d'eau à Ashbrook Heights a inspiré des milliers d'autres personnes et leur a permis de se mobiliser. Les manifestations contre les compteurs d'eau ont eu lieu dans tous les coins du pays.

L'Irlande a été frappée par l'austérité et les citoyens se sont sentis impuissants. Les manifestations contre les compteurs d'eau ont donné aux citoyens ordinaires le sentiment qu'ils pouvaient reprendre le contrôle de leur vie. Les gens ont commencé à se politiser; ils ont développé des compétences en matière de médias sociaux, se sont organisés dans leur région et ont mis en place des réseaux efficaces. À Cork, un petit programme d'éducation des militants voit le jour avec notamment des ateliers sur l'automédication, la compréhension des institutions locales/nationales et européennes, la citoyenneté mondiale, les compétences informatiques nécessaires, des ateliers pour les artisans, l'activisme positif, la formation à la pleine conscience et l'action directe non-violente, plus un atelier de construction coopérative et une formation sur le système électoral irlandais. Les syndicats de Right2Water parrainent une formation en économie politique et des centaines de militants y participent.

Les syndicats, qui ont participé à la conférence en avril 2014, se réunissent durant l'été 2014 et la campagne Right2Water née en Irlande. L'abolition des redevances sur l'eau et la fin d’Irish Water en sont les objectifs principaux. Les syndicats de Right2Water organisent 9 des manifestations les plus massives que l'Irlande ait jamais connues, avec plus d'un million de manifestants. Toutes les manifestations de Right2Water sont pacifiques et joyeuses. Lors de la 3ème manifestation à Dublin le 10 décembre 2014, la police vient avec chiens et chevaux, mais la foule de 80 000 personnes reste calme face à la provocation.

Les protestations locales et les blocages de compteurs d'eau se poursuivent malgré une présence policière importante. En plus des arrestations et des intimidations, la ville de Cork se dote d'une unité de police spécialisée pour protéger les compteurs d'eau. 

Au cours des deux années suivantes, le gouvernement mène une guerre de propagande insidieuse contre la campagne Right2Water. Au parlement irlandais, les militants sont assimilés à des terroristes islamistes. Ils sont dénoncés comme des nationalistes paresseux qui "ne veulent payer pour rien". Les émissions nationales de radio et de télévision présentent des reportages biaisés et essaient de diviser les citoyens avec des intervenants dans les émissions en direct disant que les militants de Right2Water vont ruiner le pays, qu’ils n’ont pas l'intérêt national à cœur, qu’ils vont forcer le pays à manquer d'eau, etc. Les habitants des zones rurales sont dressés contre les citadins. Les habitants des zones rurales ont leurs propres puits et forages. Ils disent pourquoi devons-nous payer pour avoir de l'eau, et les autres non. Les médias négligent de mentionner que si les habitants des zones rurales paient pour l'installation de puits individuels, les ménages urbains paient des frais de raccordement très élevés au réseau public.

Les attaques les plus violentes dans les médias nationaux viennent du Parti Vert. Il est à noter que ce parti non seulement a toujours été le plus favorable aux redevances sur l'eau domestique mais qu’il a aussi empêché la tenue d'un référendum sur les services d'eau en 2009.

Tout cela ne fait que renforcer la détermination des militants à continuer. 

La campagne Right2Water impose plusieurs changements concernant les redevances sur l'eau domestique, notamment,

  • Annulation de l’obligation d’avoir un numéro PPS (PPS est un numéro d'identification national).
  • Abandon d'une redevance fixe de 50 euros par ménage.
  • Attribution de quotas gratuits.
  • Fin de la facturation des compteurs individuels aux ménages.
  • Montant des redevances plafonné à 260 euros.
  • Introduction d'une subvention pour économie d'eau de 100 euros (un pot-de-vin) afin d’encourager les citoyens à s'inscrire comme clients.
  • Réduction du prix de 100 litres d’eau à 3,70 euros.
  • Révision de la structure tarifaire.
  • Suspension temporaire des redevances sur l'eau.
  • Remboursement en 2017 des redevance sur l'eau payées.

NOTE: Il y a toujours eu des frais pour le raccordement aux réseaux publics d'eau potable et d'eaux usées. Les frais variaient de 11 000 à 7 000 €, selon les régions du pays. Les frais de raccordement sont désormais standardisés à 2 272 € plus 358 € par mètre de branchement supérieur à 10 mètres, et à 3 929 € plus 442 € par mètre de branchement. Une maison raccordée aux réseaux publics d'eau potable et d'eaux usées, avec un branchement de 15 mètres, paiera désormais 11 858 €. Les irlandais ont toujours payé pour les services d'eau.

Le non-paiement des factures d'eau s’est révélé une tactique efficace de la campagne. Beaucoup acceptent d’aller en prison plutôt que de payer pour un droit de l'homme fondamental, et ils pensent qu’avec les médias couvrant la campagne, l'emprisonnement de citoyens ordinaires sera trop embarrassant pour le gouvernement. En 2015, le Gouvernement promulgue la loi de 2015 sur la dette civile (procédures). La nouvelle loi signifie que quiconque doit plus de 500 € à des services tels que Irish Water peut être forcé de payer sa dette par une ordonnance de saisie de son salaire ou de son aide sociale.

Irish Water est plongé dans le scandale depuis sa création. Une entreprise, qui n'existe pas, obtient un contrat de plusieurs millions d'euros pour l'installation de compteurs d'eau. Des honoraires exorbitants sont versés à des consultants; parmi les sociétés de conseil employées figure une société spécialisée dans l'externalisation. La création de Irish Water doit initialement coûter 50 millions d'euros, mais en coûte finalement 180 millions. Des fuites de rapports sur Irish Water font état de primes massives pour le personnel, de cours de yoga, d'un gymnase entièrement équipé et d'énormes salaires et pensions de retraite pour les cadres. Le PDG doit recevoir 200 000 euros + bonus, et il reçoit par la suite une indemnité de départ à la retraite de 573 000 euros. Des compteurs d'eau de mauvaise qualité sont installés pour une durée de vie de cinq ans seulement. Right2Water commence à comprendre que les services d'eau sont partiellement privatisés par le biais de partenariats-publics-privés (PPP) et de concessions. Pendant des années, l'Irlande a connu un faible niveau d'investissement dans les infrastructures hydrauliques, et jusqu'en 2015, 45 % de ces investissements ont été réalisés par le biais de PPP (le deuxième en importance dans l'UE après la Grèce (Dukelow 2016).

Ces scandales attisent la colère du peuple irlandais et les protestations se multiplient.

Avant les élections locales et européennes de 2014, Right2Water travaille d'arrache-pied pour sensibiliser la population aux questions liées à l'eau. Par contre, se tourner vers les candidats aux élections se révèle après coup être une erreur, car la plupart d'entre eux utilisent les questions liées à l’eau pour attirer l'attention sur eux-mêmes. La plupart de ceux qui ont été élus en 2014 n'ont plus jamais mentionné les services d'eau et leur privatisation.

Des élections générales ont lieu en 2016. Les redevances sur l'eau sont le problème numéro un. Avant les élections de 2016, les syndicats de Right2Water organisent deux conférences politiques réunissant des syndicats, des partis politiques et des militants appartenant à différents collectifs. Un ensemble de principes est établi comme plate-forme électoral. Cela comprend Right2Water, right2Jobs & Decent Work (droit à l’emploi et à un travail décent), right2Housing (droit au logement), right2Health (droit à la santé), right2Debt Justice (droit à la justice fiscale), right2Education (droit à l’éducation), right2sustainable environment (droit à un environnement durable), right2natural resources (droit aux ressources naturelles) et right2Democratic Reform (droit à la réforme démocratique). Peu de temps après, sans consulter les militants, les syndicats créent une nouvelle organisation, Right2Change. Sur un site Web est écrit : "Right2Change consiste à trouver les politiques que les gens veulent et à les présenter aux représentants politiques et aux candidats. Il s'agit ensuite d'informer le public de la position des candidats sur ces politiques et de savoir s'ils seraient prêts à travailler ensemble pour qu'elles soient mises en oeuvre dans un futur gouvernement. Des informations erronées sont diffusées en ligne et les syndicats ne réussissent pas à communiquer ce message.

La plupart des gens ne comprennent pas le concept Right2Change.

Des réunions publiques ont lieu dans tout le pays, mais beaucoup de confusion persiste sur ce qu'est réellement Right2Change. Les dirigeants syndicaux violemment critiqués sur Internet sont sur la défensive lorsqu'ils sont interrogés par quiconque. Les mensonges et les insinuations se répandent, et il semble y avoir une tentative orchestrée pour brouiller les cartes d'une situation déjà chaotique. Malgré tout, 36 personnes sont élues au gouvernement sur la plateforme Right2Water/Right2Change, ce qui indique que, peut-être, les programmes politiques peuvent passer avant les personnalités.

En fait, les deux tiers des députés élus l'ont été sur la plateforme de lutte contre les redevances sur l'eau. Les deux partis conservateurs, Fine Gael et Fianna Fáil, parviennent à un accord sur la formation d'un gouvernement minoritaire. L'accord prévoit la suspension des redevances sur l'eau. Une Commission d'experts sur les services publics de l'eau est créée pour examiner la question.

Lorsque la Commission d'experts présente ses conclusions, elle s'interroge sur le déploiement des compteurs d'eau et recommande un référendum constitutionnel sur la propriété des services d'eau. Peu après, un comité gouvernemental est chargé d'examiner le rapport de la Commission d'experts.

Le 6 avril 2017, après la fuite d'un projet de rapport confidentiel du comité gouvernemental, les députés liés à Right2Water donnent une conférence de presse prématurée déclarant la victoire de la campagne. Les redevances d'eau vont être entièrement supprimées. L'installation de compteurs d'eau va être arrêtée et remplacée par des compteurs de district, et il va y avoir un référendum. Quelques jours plus tard, lors de la dernière manifestation de Right2Water, un des coordinateurs syndicaux déclare que Right2Water a presque gagné et dit : "Nous sommes sur le point de remporter une victoire très importante".

La mobilisation est perçue comme une victoire alors qu’aucun de ses objectifs - suppression complète des redevances sur l'eau domestique, suppression des compteurs d'eau domestiques, dissolution de Irish Water et référendum pour assurer une protection constitutionnelle contre la privatisation des services d'eau - n'a encore été atteint.

Une semaine plus tard, le comité gouvernemental publie son rapport final, mais celui-ci est différent du projet. Parmi les recommandations finales du comité, mentionnons :

  • la propriété publique doit être inscrite dans la Constitution comme une mesure supplémentaire de protection contre toute privatisation. Un référendum.
  • Effort de modernisation; renforcement des normes et règlements de construction pour toutes les nouvelles constructions résidentielles.
  • Le gouvernement envisage la meilleure façon d'encourager l'adoption volontaire d'un compteur d'eau domestique gratuit dans tous les nouveaux logements et les logements rénovés qui nécessitent un permis de construire complet.
  • Mesures incitatives pour promouvoir les économies d'eau, y compris les compteurs d'eau domestiques.
  • Les redevances sur l'eau des ménages doivent être mises en place sous forme de redevances d'utilisation excédentaire, avec la fourniture de rations d'eau pour les plus faibles de la société.

Les redevances sur l’eau domestique sont remplacées par les redevances pour l’eau domestique. Right2Water n’a pas gagné.

Confusion, mensonges et mécontentement

"Nous tenons le pouvoir des dieux entre nos mains, mais nous nous chamaillons comme de petits enfants" Darren McAdam-O'Connell.

L'un des coordinateurs syndicaux demande que les compteurs d'eau relèvent de mesures incitatives lors de la conférence de presse de la dernière manifestation Right2Water. Après la publication du rapport du comité gouvernemental sur le futur financement des services d'eau, lui et d'autres dirigeants syndicaux commencent à parler de "victoire" et à utiliser le passé (laissant entendre que la campagne Right2Water est terminée). Les politiciens qui ont été élus sur la plateforme Right2Water revendiquent également la victoire et encouragent les gens à utiliser la force du mouvement de l'eau pour d'autres causes. Il s'en suit des querelles en ligne. Beaucoup de militants croient avoir gagné, beaucoup d'autres se sentent trahis et beaucoup d'autres tout simplement disparaissent. 

Les syndicats de Right2Change organisent une autre conférence en novembre 2017. Bien qu'ils aient invités l’ensemble des acteurs qui ont participé à la campagne sur l'eau, l'eau n'est pas à l'ordre du jour. La conférence attire peu de participants, surtout à cause de la désinformation et des polémiques qui se multiplient en ligne. Beaucoup de militants de l'eau se sentent trahis même si l'eau est finalement ajoutée à l'ordre du jour quelques semaines avant la conférence. La plupart des militants des collectifs boycottent la conférence.

Tout au long de ces dernières années, les luttes intestines, les médisances, les polémiques en ligne, les attaques personnelles et les récupérations politiciennes ont affecté la campagne Right2Water. Cela a également poussé de nombreux militants à disparaître et à faire le vœu de ne plus jamais s'impliquer dans l'action politique. 

La campagne Right2Water a fait écho à la plupart des problèmes de la société, pas seulement l'eau. Des questions telles que l’endettement, le logement, les droits des travailleurs, la santé, etc. ont été mises en avant à toutes les manifestations et rassemblements de Right2Water. Aucune autre campagne n'avait réussi une telle chose. Right2Water a uni les voix des victimes des pires crimes du néolibéralisme et aurait pu être le catalyseur d'un changement positif en Irlande. Rigth2Water a réuni des universitaires et des collectifs avec le mouvement syndical. Selon l’auteur de ce texte, les syndicats auraient pu servir de pont entre la société civile et le monde universitaire, et des politiques auraient pu être véritablement élaborées, éclairées par les collectifs pour le bien commun et mises en œuvre par les politiciens. Cela ne s'est malheureusement pas produit.

Les services d'eau aujourd'hui 

L’opérateur public a lancé un programme de rénovation du réseau, mais le taux de fuites augmente néanmoins. A Cork, le taux de fuites est passé de 55 % à 58,26 %. Environ 400 000 personnes boivent de l'eau contenant des THM cancérigènes. L'opérateur public a été poursuivi par l'Agence de protection de l'environnement (EPA) pour avoir enfreint les règlements de l'Union européenne (eau potable) de 2014 exigeant des mesures correctives dans les usines de potabilisation, et la Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction contre l'Irlande.

La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a également estimé que l'Irlande ne respecte pas le droit communautaire pour près de 30 stations d’épuration dans tout le pays.

Au cours des prochaines années, les effectifs dans le secteur de l’eau vont diminuer pour répondre à un objectif de réduction des coûts.

Une grande partie du travail tel que le contrôle des réseaux de collecte des eaux de pluie et des eaux usées va être externalisée.

Jusqu'en 2015, 45 % des investissements dans les services d'eau provenaient du secteur privé dans le cadre de contrats de type PPP. 

Les compteurs d'eau initialement installés, d'un coût de 560 millions d'euros, ont une durée de vie de 5 ans et sont en cours de remplacement.

Des milliards d'euros d'argent public ont été injectés dans Irish Water, pour être ensuite pompés par les entreprises menant la privatisation de l'eau. En attendant, nos infrastructures hydrauliques ne sont pas adaptées à l'usage auquel elles sont destinées.

Déficit démocratique

Après les dernières élections générales, les deux tiers des députés se sont officiellement opposés aux redevances sur l'eau, et tous se sont déclarés en faveur d'un référendum sur les services d'eau.

Pourtant la plupart de ces députés qui s'opposaient aux redevances sur l'eau ne mentionnent maintenant plus le problème.

Bien qu'il y ait un soutien unanime en faveur d'un référendum, la question s'est diluée au sein des commissions du parlement irlandais et a été renvoyée au procureur général, tout comme elle l'avait été en 2010, et elle y restera.

En Irlande, la campagne pour l'eau a montré que les promesses politiques partent en fumée quand il s'agit de l'eau et que les engagements du gouvernement ne sont pas tenus quand il s'agit du droit humain à l'eau.

Ici, comme ailleurs, la lutte pour l'eau est la lutte pour la démocratie, la responsabilité et l'intégrité.

Une note d'espoir

La campagne Right2Water, malgré toutes ses fausses victoires et ses fausses défaites, est probablement le terreau le plus fertile pour faire pousser quelque chose de nouveau. Elle montre comment des gens qui normalement ne s'associeraient pas peuvent travailler ensemble. Elle montre comment le mouvement syndical peut, s'il apprend des erreurs du passé, devenir le ciment qui unit toutes les voix et facilite un véritable changement en Irlande. Si on peut le faire une fois, on peut le refaire. Avec une analyse objective de tous, militants des collectifs, partis politiques et syndicats, les expériences du passé peuvent être utilisées pour construire de nouveaux mouvements plus durables.

Traduction d'un texte de Noreen Murphy daté du 16 mai 2019.

Noreen Murphy est une militante de Right2Water, fondatrice de Water Democracy Movement Ireland. Les opinions exprimées ici sont les siennes.