Plus de 100 organisations dénoncent les manigances du gouvernement espagnol concernant la gestion de l'Eau : transferts inter-bassins, centralisation et privatisation
- Le Parti Populaire[1] (PP), change en catimini les règles du jeu dans le domaine de l'eau, sans débat ni participation publique.
- Le PP modifie le Plan Hydrologique National à travers le projet d'amendement de la Loi d'Évaluation Environnementale, qui peut être approuvé en une semaine.
- Les changements ainsi réalisés permettraient par exemple d'autoriser un transfert inter-bassins depuis l'Ebre sans aucune modification législative additionnelle.
S'appuyant sur le mémorandum signé entre le Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et de l'Environnement d'une part, et les régions de Murcie et Valence d'autre part, relatif au transfert entre les bassins du Tage et du Ségura, un groupe d'experts liés aux régions du Ségura, et connus pour leur appui inflexible au transfert de l'eau du Tage vers ce bassin, a élaboré en secret et dans l'opacité la plus totale, plusieurs modifications : celles-ci concernent non seulement le régime légal du transfert inter-bassins Tage-Ségura, mais aussi la Loi sur l'Eau et le Plan Hydrologique National. En effet, plusieurs dispositions introduites subitement au Congrès en octobre 2013 dans le projet d'amendement de la Loi d'Évaluation Environnementale, changent radicalement non seulement la réglementation du transfert Tage-Ségura, mais aussi la politique de l'eau en Espagne. Tout cela sans absolument aucun débat ni information publique, en évitant toute participation d'importantes Communautés Autonomes qui risquent de se voir affectées par cette réglementation, comme l'Aragon, la Catalogne, l'Andalousie, Castille et Léon, etc.
Le Mémorandum Tage-Ségura, malgré ce que son nom pourrait indiquer, introduit aussi deux amendements à la loi d'Évaluation Environnementale, qui modifient le Texte Codifié de la Loi sur l'Eau et le Plan Hydrologique National, et qui affectent sérieusement tous les bassins versants d'Espagne, ainsi que la planification hydrologique nationale, sans aucune participation, ni information, ni débat public que ce soit. Ces changements instituent la base légale pour « mettre en ordre », au bénéfice des intérêts des pro-transferts inter-bassins, l'assignation et la redistribution des ressources au niveau national, dont les éléments clé sont : d'une part les autoroutes de l'eau, organisme supra-régional étatique qui assigne les ressources entre les différents bassins versants, soit par des transferts, soit par des cession d'eau, d'autre par l'entrée d'investisseurs privés.
Ces deux amendements introduisent de substantiels changements dans les cessions de droits inter-bassins versants, et rendent possible la limitation annuelle par le Ministère-Direction Générale de l'Eau du maximum des lâchers d'eau de barrage ou de l'eau qui pourra circuler dans un bassin alimentant un transfert quelconque, existant ou en projet (Tage, Ebre, Jucar, etc). Ces amendements sont le début de la matérialisation des thèses pro-transferts et de son modèle de plan hydrologique national, pour tout le pays, et spécialement pour le Tage, le Jucar et l'Ebre. Le changement suppose une réglementation de grande ampleur de deux aspects des transferts inter-bassins ou des cessions d'eau inter-bassins versants, qui jusqu'à présent relevaient du Plan Hydrologique National; avec cette nouvelle forme d'approbation, il évite des débats « incommodes », la participation et l'opposition prévisible d'autres régions et usagers affectés : l'Ebre, l'Aragon, la Catalogne, Jucar-Vinalopo, etc. Il apparaît clairement que les nouveaux transferts inter-bassins ou l'augmentation des transferts existants ne vont plus s'appeler ainsi : il recevront l'appellation de « cessions inter-bassins versants ». Le nouveau plan hydrologique commence là, et ces deux amendements à la Loi d'Évaluation Environnementale constituent sa première pierre. Postérieurement, il ne manquera plus que de permettre l'entrée de l'investissement public ou privé de préférence, pour construire cette autoroute de l'eau, et développer les aspects fondamentaux du « nouveau modèle de gestion de l'eau » à travers des décrets du gouvernement, y compris des arrêtés ministériels.
Les changements rendront impossible l'application des Directives Européennes pour le Tage
De plus, le mémorandum, et les amendements à Loi d'Évaluation Environnementale présentés en s'appuyant sur celui-ci, changent radicalement le régime existant jusqu'à présent pour le transfert depuis le Tage, selon lequel les bénéficiaires du transfert détenaient seulement une espérance, et non un droit légal, à l'usage d'eaux que la planification du bassin versant du Tage déclarait excédentaires, au-dessus d'un volume déterminé dans les retenues des barrages Entrepeñas et Buendía. Avec la nouvelle réglementation dérivée du mémorandum, on autorise un droit automatique au transfert inter-bassins dans des conditions déterminées, on évite de s'en remettre au plan du bassin du Tage pour décider des excédents et des lâchers d'eau dans le fleuve depuis sa source, on affaiblit la préférence du bassin cédant, et on ouvre la porte à l'existence d'un droit légal au transfert inter-bassins, plusieurs fois rejeté par la jurisprudence du Tribunal Suprême. Ce droit légal rendra possible la réclamation d'importantes indemnisations de la part des bénéficiaires du transfert inter-bassins, dans le cas où la future planification du Tage, appliquant la Directive-Cadre sur l'Eau, relâche des masses d'eau plus importantes dans le fleuve pour préserver son écologie, ou simplement devant la nécessité d'une consommation accrue de l'eau de la source le long du bassin versant du Tage, bassin le plus peuplé d'Espagne.
Que se passe-t-il ?
Le Parti Populaire introduit de facto et en catimini des modifications très importantes à la Loi sur l'Eau et au Plan Hydrologique National, qui lui permettront de développer, sans passer de nouveau par le Parlement :
- Une Agence Nationale (ADIF) de l'Eau qui centralisera les décisions de la planification et assignation de l'eau, par dessus les confédérations hydrographiques et les communautés autonomes.
- Une banque nationale de l'Eau qui permettra aux usagers, principalement des irrigateurs, de vendre des droits entre les différents bassins versants, rendant ainsi possible des transferts privés inter-bassins.
- Un réseau « d'autoroutes de l'eau » au capital le plus souvent privé, euphémisme qui remplacera le terme polémique de « transfert inter-bassins ».
Pourquoi est-ce important ?
Éliminer ces amendements est crucial :
- Pour ne pas laisser à la seule Direction Générale de l'Eau la prise de décisions qui relèvent du consensus entre territoires.
- Pour éviter que l'on puisse mener à bien de nouveaux transferts inter-bassins comme celui de l'Ebre, en catimini et sans en informer les citoyens.
- Pour éviter que l'eau de tous puisse s'acheter et se vendre au plus offrant en la transférant à des kilomètres du fleuve où elle doit s'écouler.
Que doit-on faire ?
Il faut que le projet de Loi d'Évaluation Environnementale soit retiré et soit présenté comme deux initiatives différentes : l'une pour l'évaluation environnementale, et l'autre pour la réglementation sur l'eau. Les deux initiatives doivent faire l'objet de débats suffisants et de participation publique.
Dans tous les cas les organisations signataires s'opposent :
- au mémorandum Tage-Ségura
- au maintien des transferts inter-bassins
- à la privatisation de la gestion de l'eau.
[1] Le Parti Populaire (droite) est le parti actuellement au pouvoir en Espagne