Comment le nouveau Super-Fonds grec affecte les services de l'eau

Avec ce communiqué de presse, SaveGreekWater essaie de rechercher quelles conséquences aura le projet de loi qui doit être adopté, sur les services de l'eau à Thessalonique (EYATH) et Athènes (EYDAP).

Comme John Locke, l'un des penseurs des Lumières, nous estimons que «les actions des hommes sont les meilleurs interprètes de leurs pensées». Après avoir adressé cette citation à ceux qui exercent le pouvoir ainsi qu’à ceux qui devraient les contrôler, nous considérons que l'une de nos «actions» devrait être d'informer nos concitoyens.

Dans un effort pour percer le vacarme des déclarations mensongères et dénoncer les dérives qui constituent aujourd'hui la «sphère publique» grecque, nous essayons avec ce communiqué de presse de rechercher quelles conséquences aura le projet de loi qui doit être adopté, sur les services grecs de l’eau; en effet, EYATH et EYDAP sont tous deux mentionné dans un article de l’annexe D du projet de loi qui établit, entre autres, un «Super-Fonds», intitulé Société grecque des Actifs et Participations S.A. (HCAP). 

Dans le projet de loi (article 198), EYATH et EYDAP apparaissent parmi les sociétés publiques qui seront transférés dans leur intégralité à EDHS (Société de Participations publiques S.A.) dans "une prochaine période de temps"; EDHS étant créé par ce même projet de loi et décrit comme l'une des filiales du nouveau Super-Fonds.

Après que le projet de loi ait été déposé sur le site officiel du Parlement grec, plusieurs rapports et fuites ont déclaré que EYATH et EYDAP avaient été exclues par le Ministère des Finances en raison de réactions. Cependant, selon les mêmes sources, il n’y a ni garantie ni engagement que les deux sociétés publiques ne seront pas transférées au Super-Fonds dans "une prochaine période de temps". Si elles sont transférés à EDHS immédiatement par le projet de loi ou plus tard, les conséquences seront les suivantes:

  1. Les deux sociétés cesseront d'être des établissements d'utilité publique ayant pour objectif de fournir des services de l’eau et de l’assainissement sans interruption et de qualité aux habitants d'Athènes et de Thessalonique. Elles seront instrumentalisées en contradiction avec leur champ d’application, car elles seront devenues par la loi de simples «actifs» dans le portefeuille de EDHS. Elles serviront le champ d’application spécifique du Super-Fonds, comme il est mentionné dans l'article 185 paragraphe 1: "HCAP gère et exploite ses actifs afin de: a) apporter des ressources pour mettre en œuvre la politique d'investissement du pays et procéder aux investissements visant à l'amélioration du développement de l’économie grecque et b) contribuer à la réalisation des obligations financières de la République grecque en vertu de la loi 4336/2015 (a 94)".
  2. Les deux sociétés seront privatisées en violation de la Constitution, selon le jugement rendu par le Conseil d'Etat lors de la session 1906/2014 et qui concerne EYDAP, puisque tous leurs actifs et leurs filiales doivent être transférées au Super-Fonds, dont l'article 184 paragraphe 4 mentionne qu’il "ne fait pas partie du secteur public ou parapublic, de la manière dont il est défini".
  3. Gestion et administration des deux sociétés seront contrôlées, dans le fond et la forme, par les créanciers, sachant que: a) le Conseil de surveillance du Super-Fonds est constitué de cinq membres dont deux sont nommés par les créanciers (avec l’accord du ministre grec des Finances) et trois par le gouvernement grec (avec l’accord des créanciers) et que b) l'État emprunteur grec et les créanciers ne sont pas sur le même pied d'égalité puisque les créanciers peuvent imposer ce qu'ils veulent, comme nous l’avons vu plusieurs fois dans le passé.
  4. Si EDHS a le droit d’attribuer ou modifier les concessions concernant EYDAP et EYATH, le caractère et le contrôle publics des services de l’eau peuvent alors être secrètement abandonnés.

Le transfert des deux sociétés à une filiale du nouveau Super-Fonds qui, par sa finalité vise à "accroître la valeur et améliorer la performance de ses actifs, ainsi que générer des revenus", -comme déjà vu dans une série de projets similaires en France, en Allemagne, Etats-Unis et ailleurs-, se traduira par:

  • la poursuite de la marchandisation de l'eau
  • l'augmentation des tarifs et la baisse des investissements dans les infrastructures et réseaux
  • l'augmentation du nombre de citoyens qui risqueraient de perdre leur droit d’accès à l'eau et à l'assainissement tel qu' établi par la résolution A/RES/ 64/292) de l'ONU du 3/8/2010
  • la perte de contrôle sur la politique nationale de l’eau, compte-tenu de l'importance stratégique et de l'expertise de ces deux sociétés publiques qui sont les plus grandes dans le domaine de l’eau
  • l'attribution opaque de contrats de concession, comme cela a été le cas à Berlin et ailleurs, au détriment de l'intérêt public, ces contrats contenant souvent des clauses telles que les bénéfices garantis etc.

En outre, et plus encore, tout accord entre le gouvernement grec et ses créanciers pour inclure EYDAP S.A. et EYATH S.A. dans le nouveau Super-Fonds constituerait par les deux parties, une violation scandaleuse de la volonté exprimée démocratiquement par le peuple, lors du référendum de Thessalonique du 18 mai 2014 (où 98,03% des habitants de Thessalonique ont voté contre la privatisation de EYATH) et aussi après la réussite de l’Initiative Citoyenne Européenne right2water dans notre pays et au niveau européen. L’ICE exigeait l'adoption du droit humain à l'eau par l'UE et la protection des services de l'eau contre la libéralisation. Au cours de la procédure, les signatures officielles par les grecs ont dépassé les 32.000, alors que le seuil était de 16.000, tandis qu'en Europe, dans son ensemble, les signatures étaient de plus de 1.800.000, alors que le seuil de validation de l’ICE était de 1.000.000. 

Bien que les créanciers et les gouvernements grecs successifs ont ignoré la volonté du peuple grec d'une manière qui discrédite totalement le système politique du pays en mettant en évidence l’hubris de ces dirigeants (non respect des engagements pré-électoraux, non respect des résultats du référendum du 5 juillet 2015, répression brutale des protestations de la société civile), nous appelons ceux qui sont touchés par la nouvelle situation à se tenir à nos côtés demain dimanche 22 mai à 19h00 sur la place Syntagma. Pas dans l'espoir que notre présence va changer les décisions qui sont déjà prises par le pouvoir dans le pays et à l’étranger, mais parce que «les actions des hommes sont les meilleurs interprètes de leurs pensées».

SaveGreekWater