Renversement de tendance: L’Espagne en marche vers la remunicipalisation de l’eau
11 août 2016.
Il y a tout juste un an, nous discutions sur la façon dont l'Espagne résistait à la dernière vague de privatisation de l'eau, à la suite des politiques d'austérité et de la dette, assaisonnées de scandales de corruption.
Mais à la suite des élections municipales et régionales il y a un an, la tendance s’est inversée. En réaction à la crise à long terme, aux attaques contre les services publics et à la corruption dans les partis traditionnels, de nombreux mouvements de citoyens se sont organisés pour se présenter aux élections, avec un grand succès à Madrid, Barcelone, Saragosse, Ferrol, Santiago, Cadix, La Corogne et Valence, parmi d'autres.
L'une des principales réalisations de ces mouvements a été d'introduire dans l’opinion publique le débat sur la façon de gérer les services publics, comme ceux de l'eau. À la fin de 2015, 57% de la population en Espagne recevait l'eau du robinet d'un opérateur privé. Une des conséquences les plus inquiétantes est que plus de 500.000 familles reçoivent chaque année un avis de coupure d’eau, selon les données de l'association espagnole des opérateurs d’eau publics.
Valladolid, une ville d'environ 300.000 habitants, capitale de la région nord-ouest de Castilla y León, a fait le premier grand pas il y a quelques semaines. Le conseil municipal a annoncé que la ville allait récupérer le contrôle public de la gestion de l'eau, 20 ans après la privatisation de Aguas de Valladolid, lorsque le contrat expirera en Juillet 2017. Aguas de Valladolid fait actuellement partie du groupe AGBAR-Suez. Les raisons de cette remunicipalisation est une rengaine déjà entendue: sous-investissement dans les infrastructures, tarifs élevés et manque de contrôle démocratique sur une ressource aussi importante... Ce sont les mêmes problèmes qui ont conduit plus de 200 villes à travers le monde à reprendre le contrôle de leurs services d'eau au cours des 15 dernières années.
Remunicipaliser un service public est un processus complexe. Valladolid va créer une entreprise publique qui embauchera les actuels 150 travailleurs de Aguas de Valladolid, afin de ne perdre ni l'expertise ni les emplois. Des investissements de 178 millions d'euros au cours des 15 prochaines années ont été annoncés pour renouveler l'infrastructure. Malgré cela, les tarifs augmenteront de moins d'un tiers par rapport à la période où la gestion était privée.
Ce sont d'excellentes nouvelles pour les citoyens de Valladolid, mais aussi une étape stratégique pour l'ensemble du pays. Valladolid est la plus grande ville espagnole à entreprendre une telle démarche, et va sûrement ouvrir la voie à de nombreuses autres villes qui ont annoncé des intentions similaires. Au niveau européen, c’est un grand symbole de cette tendance mondiale. L'Espagne est l'un des pays les plus durement touchés par l'austérité et la pauvreté de l'eau et une source d'inspiration pour les mouvements qui résistent encore contre la privatisation, comme les citoyens en Grèce.
La remunicipalisation est un grand pas, mais il ne suffit pas. La gestion publique doit être transparente, démocratique et participative. Elle doit garantir le droit humain à l'eau, ainsi que les investissements nécessaires à un approvisionnement durable. Il est fondamental de concevoir un plan de gestion durable pour protéger les cycles naturels de l'eau et maintenir la qualité de l'eau dans les rivières et les aquifères. Il est également important de donner de bonnes conditions de travail pour les salariés de l’entreprise publique, qui doivent être pleinement intégrés dans le processus démocratique de prise de décision.
Il y a de nombreux défis à relever, mais personne n’a dit que contester le dogme néolibéral serait facile. Nous vivons une période excitante !
Traduction d'un article du blog de Food & Water Europe