L'avenir de l'eau publique à Terrassa commence aujourd'hui avec l'effort et la participation de tous
Traduction en français du communiqué de la Taula de l’Aigua de Terrassa concernant la création de la société "TAIGUA-EPEL", chargée de la gestion publique du service d'approvisionnement en eau potable pour les citoyens de Terrassa. Le 10 décembre 2018 est un moment historique pour la ville et une date à retenir.
Avec l’effort et la participation de tou(te)s, le futur de l’eau publique commence aujourd’hui.
La remunicipalisation de l’eau est le résultat d’un long et intense processus qui a eu pour moteur principal la participation citoyenne. Pose d'une première pierre avec les signataires du "Pacte pour la gestion publique de l'eau à Terrassa", avec 8 000 signatures de citoyens, grâce au travail effectué par le biais d'entités et de collectifs de citoyens rassemblés dans le cadre du Consell d'Entitats de Accion Citoyen et du Parlamento Ciudadano de Terrassa. En tant que Taula de l’Aigua de Terrassa, nous ne pouvons que commencer ce communiqué en remerciant cet ensemble d’entités et de collectifs, plus particulièrement l’AFPT et les Associations de Veïns, l’Observatori Ciutadà Municipal, le PAH-APE et l’Espai Drets, et aussi le XES et les collectifs Iaïoflautes et Casal de la Dona, avec la complicité de Dones d'Aigua. Un remerciement très spécial également à l’ensemble du réseau d’Aigua és Vida et à l’European Water Movement Mouvement, acteurs essentiels.
La remunicipalisation a été rendue possible grâce à l'engagement du conseil municipal et des groupes politiques de la CUP, de la TeC, de l'ERC et du PSC qui, ensemble, constituent une majorité absolue de 20 conseillers municipaux sur 27. Elle est le résultat d'un travail intense et complexe, mais aussi créatif et novateur des services techniques et juridiques de la municipalité qu'il faut saluer.
Il convient également de souligner que le processus a été une grande expérience de collaboration et de concertation. Le conseil municipal et les groupes politiques ont su écouter et proposer, et la société civile a pu apporter ses opinions, idées, propositions et contribuer ainsi à établir les éléments de confiance et de collaboration nécessaires.
Cela n'a pas été facile. La société Mina-Agbar fait partie d'une grande multinationale dont l’eau est le métier, et c'est aussi une entreprise profondément enracinée dans la ville de Terrassa, avec tout son réseau d'intérêts et d'activités commerciales. L'entreprise, après 75 ans de concession, n'a pas accepté ce que les lois établissent, à savoir que l'approvisionnement en eau potable dans les foyers est une compétence municipale.
Le retour de la fin d'une concession à son propriétaire légitime, en l'occurrence la municipalité, devrait être un processus normal, simple et facile. Mais lorsque la société concessionnaire est un "monstre" plus puissant que la municipalité, avec une forte expérience dans les litiges devant les tribunaux, cela peut devenir compliqué ; c’est ce qui s'est produit.
L'entreprise disposait également du personnel, de toutes les informations sur le service, du contrôle des recettes générées par l'eau, d'une immense capacité d'influence sur l'opinion publique à travers les médias, des réseaux et circuits économiques de la ville et avec les informations liées au traitement des factures à l'ensemble des ménages.
Un grand nombre de litiges de la Mina-Agbar et d'autres groupes d'intérêt ont du être traités devant les tribunaux. L'accès à l'information a été le principal problème à résoudre. Chaque étape de la remunicipalisation a entraîné un contentieux ou une dénonciation par l'entreprise ou ses cercles proches. Il y a eu de nombreuses tentatives pour paralyser la reprise de la gestion du service par la demande de mesures conservatoires devant les tribunaux, qui ont fait que la municipalité a du allouer des ressources humaines et économiques importantes de la ville.
Une fois que les mesures demandées par l'entreprise ont été rejetées par les tribunaux, l'entreprise ne pouvait plus bloquer l'information sans être accusée d'illégalités et ses propres intérêts pouvaient être gravement lésés au-delà de la perte de la concession. C'est alors que Mina-Agbar a changé d'attitude et ouvert une vaste négociation pour une transition "pacifique".
En tant que Taula de l'Aigua de Terrassa, nous regrettons l’impression laissée par certains médias au début de la négociation, semant la confusion dans l'esprit de la population quant au sens du rétablissement d'un service public, manipulant le concept de gestion mixte, faisant croire à l'incapacité de la municipalité à prendre en charge la gestion du service et, pire encore, exerçant un trafic d'influence en dehors de la loi.
Pour toutes ces raisons et dans un acte de responsabilité, nous avons considéré comme inévitable et même souhaitable, l'accord avec l'entreprise privée pour faciliter la transition vers le nouveau mode de gestion sans conflits supplémentaires. La mise en œuvre du nouveau service implique la subrogation des travailleurs, disposant de bureaux, d'ateliers et d'entrepôts adéquats et disposant des services téléphoniques, informatiques, de laboratoires, de maintenance et de fournitures nécessaires.
Afin d’assurer la continuité du service, la municipalité a du signer ces contrats avec les anciens fournisseurs pour une durée limitée. Il était difficile d'imaginer d'autres options, compte tenu du temps disponible et de la volonté de ne pas compromettre cette continuité, étant donné la capacité limitée des ressources municipales et la complexité de l’opération. Il est clair que tous les préparatifs en vue de la transition auraient dû commencer beaucoup plus tôt, et nous demandons la publication de toutes les informations relatives à ces accords.
Il est également évident que lors de la planification future par le biais du schéma directeur, la connaissance du fonctionnement du réseau de distribution et les instruments de modélisation seront essentiels pour pouvoir poser un diagnostic adéquat. L’attribution de ces instruments à Mina-Agbar, en tant que consultant disposant des connaissances nécessaires, ne peut pas répondre à l’ensemble du schéma directeur. Nous estimons que le schéma directeur doit être réalisé par la nouvelle société publique et ouvert à une large participation, avec pour mission non seulement de guider le plan d’investissement, mais aussi de guider l’application des treize principes de l’eau dans la ville.
Nous pensons que la collaboration public-privé est nécessaire, toujours au moyen d'appels d'offres publics pour les différentes prestations que l'entreprise publique doit rechercher sur le marché, et qu'elle doit se faire dans la transparence et la libre concurrence établies par la loi. Les fonctions du secrétaire et du contrôleur de la municipalité, sans oublier le contrôle social, doivent garantir que tel est le cas. Sachant que la collaboration public-public (exempte de profits), doit être l’instrument privilégié pour fournir ces prestations.
Nous sommes conscients que la remunicipalisation ne s'achève pas avec l'adaptation du service à ce que la loi prévoit comme gestion publique. À partir du 10 décembre 2018, de nouvelles perspectives s’amorcent, à savoir la récupération effective du service, l’adaptation des travailleurs au nouveau cadre, l’intégration d’une nouvelle équipe de direction, l’acquisition effective de toutes les informations et de la connaissances nécessaires à la nouvelle société publique, des techniques, des systèmes informatiques, de la communication, de la mesure, de la facturation et du contrôle des infrastructures. Il s’agit de s’approprier toutes les connaissances du réseau, des systèmes et même de la mémoire du service. Cela implique du temps et du travail.
Un autre aspect concerne l'élaboration des treize principes qui doivent régir la gestion du service public de la ville. Ces principes doivent être approfondis lors des travaux confiés à l'Observatoire de l'eau de la Ville. Ils se traduisent par la conception et le déploiement de la nouvelle politique et culture de l'eau dans la ville, dans les domaines de l'amélioration permanente de l'efficience et de l'efficacité des services, de l'amélioration de la qualité de l'eau, de la lutte contre le changement climatique et des politiques de protection et d'adaptation des écosystèmes aquatiques, et doivent inclure le captage, la consommation responsable et le recyclage.
Nous devons déployer tout ce qui a trait au Droit Humain à l'Eau et au juste prix, en pensant à un système tarifaire d’accès à l’eau qui intègre le concept de justice sociale et de droit humain. Nous devons déployer des systèmes d'information et de communication, mais aussi des batteries d'indicateurs qui facilitent l'accès à l'information et son interprétation.
Et pour toutes ces raisons, nous devons construire une nouvelle culture de l'eau, basée sur la collaboration entre les citoyens, le monde de l'éducation, le monde académique et universitaire, les organisations politiques, la municipalité et la société publique gestionnaire. Nous devons faire de la collaboration et de la responsabilité l'axe de cette nouvelle culture.
Taula de l’Aigua de Terrassa
10 décembre 2018